Classement du LBD Kann 44 : 1ère manche perdue pour Redcore [12-11-2019]
L’arrêté ministériel du 3 juillet 2019 a classé le Kann 44 de la société Redcore en catégorie A, empêchant de ce fait les polices municipales de l’acquérir. La décision de classement était attendue mais un classement en catégorie A met la société Redcore en situation financière et commerciale délicate. Elle a donc décidé de contester le classement, en référé-suspension et au fond. La décision quant au référé est intervenue mi-octobre : rejet du référé….Il est intéressant d’examiner la décision du Conseil d’Etat.
La société Redcore a en premier lieu contesté la décision de classement dans le cadre d’un recours gracieux auprès du ministère de l’Intérieur. Ce dernier a rejeté implicitement la demande. Redcore attaque de ce fait les deux décisions (arrêté de classement et rejet implicite du recours gracieux).
Les arguments de Redcore
Comme c’est un référé, il faut satisfaire à la condition d’urgence pour justifier la suspension de la décision de classement. Selon Redcore, elle serait remplie, dès lors que les décisions litigieuses préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts économiques, financiers et d’image, notamment en faisant obstacle à sa stratégie commerciale et économique par la fermeture du marché des polices municipales ;
Il faut également un doute sérieux quant à la légalité de la décision de classement. Selon Redcore, le classement aurait été pris au terme d’une procédure irrégulière en raison de l’irrégularité de la composition de la commission de classement. Il y aurait e outre plusieurs erreurs de droit en se fondant
La décision serait entachée d’erreur d’appréciation, dès lors qu’elle classe le lanceur de balles de défense KANN 44 CLR en catégorie A2§4 et sa munition MAT 44 en catégorie A2§5 en se fondant, à tort, sur la similitude de ce dispositif avec le lanceur de balles de défense de 40x46 mms. La décision repose sur des inexactitudes et des interprétations erronées (le lanceur KANN 44 ne peut chambrer aucune munition militaire, la comparaison a été effectuée avec les autres lanceurs sur la base de la plus puissante des deux munitions fournies, le lanceur KANN 44 n’est pas destiné au maintien de l’ordre et d’autres lanceurs de balles de défense classés en catégorie B3 sont utilisés pour le maintien de l’ordre).
Rappel du fondement juridique de la décision de classement
Il résulte des dispositions de l’article R. 311-3 du code de la sécurité intérieure que toute arme fabriquée, transformée, introduite ou importée en France, fait l’objet d’une décision de classement, selon le cas, du ministre de la défense ou du ministre de l’intérieur préalablement à sa mise sur le marché.
La société Redcore a demandé le classement de son lanceur de balles de défense KANN 44 et de la munition MAT 44 dans la catégorie B3. Le ministre de l’intérieur a considéré que l’arme et sa munition relevait de la catégorie A2 et a, par conséquent, transmis la demande de classement au ministre des armés qui, après avoir saisi la commission technique de classement et conformément à l’avis de cette dernière, a prononcé, par un arrêté du 3 juillet 2019, un classement en catégorie A2, 4°, pour le lanceur de balles de défense KANN 44 et en catégorie A2, 5° pour la munition MAT 44.
Réponse du Conseil d’Etat quant à l’urgence à suspendre la décision
« Pour caractériser l’urgence qu’il y aurait à suspendre les décisions qu’elle conteste, la société Redcore fait notamment valoir que le lanceur de balles de défense KANN 44 constitue un produit innovant pour lequel elle a consenti des investissements importants en recherche et développement, que le ministère des armées lui avait initialement indiqué que cette arme ne relevait pas d’un classement en catégorie A et qu’un tel classement fait obstacle à son utilisation par les polices municipales, compromettant ainsi de façon irrémédiable sa stratégie économique et commerciale, et la contraignant à rembourser les communes qui ont déjà acquis ce matériel.
Toutefois, il n’apparaît pas que les mesures provisoires qu’est susceptible de prononcer le juge des référés soient de nature, dans les circonstances de l’espèce, à faire disparaître l’atteinte à ses intérêts dont se prévaut la société, atteinte qui est d’ailleurs partiellement imputable à son choix de commercialiser son lanceur de balles de défense avant l’intervention de la décision de classement »
On sent la critique quant à la précipitation de la société à commercialiser un matériel non classé…
La suite ….
Il faudra donc attendre la décision du Conseil d’Etat sur le fond, ce qui ne devrait pas trop tarder (peut-être une audience en décembre). En effet, le Conseil d’Etat a annoncé que « la 5ème chambre de la section du contentieux a prévu d’inscrire dans de brefs délais au rôle d’une séance de jugement la requête tendant à l’annulation de l’arrêté du 3 juillet 2019 de la ministre des armées et de la décision implicite de refus de classement en catégorie B du ministre de l’intérieur ».
La décision est consultable ici